Le comfort binge, ou pourquoi nous regardons les mêmes séries à répétition

Je connais la musique. Cette année, lorsque les feuilles ont enfilé leur manteau automnal et que nous avons troqué l’extérieur contre l’intérieur, je me suis confortablement installée sur le canapé. Bien que la page d’accueil regorgeait de nouveautés à succès et de conseils d’œuvres distinguées par des prix, je suis retombée sur Gilmore Girls. Après une longue journée de travail, il n’y a quasiment rien qui me détende autant que d’entendre la mélodie du générique, que je connais si bien, et de me laisser téléporter dans l’agréable ville de Stars Hollow.

Une série qui se prête parfaitement au comfort binge

Gilmore Girls est l’exemple parfait. Une série qui nous met de bonne humeur et nous accompagne avec ses personnages principaux, qui donnent l’impression d’être nos amies. C’est exactement le mélange que recherchent de nombreuses personnes lorsqu’elles ont juste envie de se poser calmement.

Typiquement, les séries propices au comfort binge sont des comédies ou des dramédies, et sont constituées d’épisodes agréablement courts. La narration par épisodes présente également l’avantage que chacun d’entre eux se suffit à lui-même, ce qui nous permet d’arrêter et de reprendre au milieu. Friends, Brooklyn Nine-Nine et The Office en sont de parfaits exemples. Les personnages sont sympathiques, les événements sont suffisamment prévisibles pour nous éviter de stresser, mais assez captivants pour qu’on croche. Autrement dit, c’est exactement ce qu’il nous faut pour souffler après une longue journée.

Ce qui nous est familier nous détend

Voilà l’une des raisons principales de s’adonner au comfort binging, d’après la psychologue Franziska Kaschub (en allemand). Une série qu’on connaît et qu’on apprécie ne nous réserve pas de surprise ni de yo-yo émotionnel, ce qui peut nous détendre, en particulier lors de périodes de stress.

Tandis que les nouvelles séries nous tiennent en haleine et piquent notre curiosité, nous donnant envie de connaître la suite, celles qui nous sont familières nous offrent plutôt calme et détente. Il est compréhensible que l’on recherche cet effet-là dans les périodes d’incertitude. Lorsque la pression monte d’un cran, que le stress s’empare du quotidien et que la situation au niveau mondial est inquiétante, de nombreuses personnes se tournent intuitivement vers ce qu’elles connaissent et apprécient.

La loi du moindre effort

Une autre raison qui nous pousse à regarder les mêmes séries à répétition est simple et propre à l’humain: notre tendance à opter pour la solution qui nous demande le moins d’énergie. Robert Kraft (en anglais), professeur en psychologie, décrit cette propension comme une technique de survie fondamentale, que l’on rencontre au quotidien. Eh oui, nous traversons volontiers un pré pour éviter d’en faire le tour. Lorsque nous regardons la télévision, nous faisons pareil: nous nous tournons vers ce qui nous est familier et qui nous coûte le moins.

Autre explication: si nous avons le choix entre trop d’éléments, on se sent submergé plutôt qu’heureux. Plus il existe de possibilités, moins on est content de notre choix. Le psychologue Barry Schwartz (en anglais) appelle cela le paradoxe du choix.

Après une longue journée, on se love dans notre canapé. On sait pertinemment qu’on n’a ni l’envie de chercher longtemps, ni l’énergie de se lancer dans une nouvelle série. On se retrouve donc à regarder cinq épisodes de sa série préférée. Familiarité rime avec simplicité: il suffit d’allumer la télévision, de s’installer confortablement et de se laisser emporter. Parfois, la série fait simplement office de toile de fond, en nous divertissant sans trop nous en demander.

Le pouvoir de la nostalgie

Il n’est pas rare que les séries qu’on aimer regarder soient celles avec lesquelles nous avons grandi. Elles nous permettent de remonter le temps, nous ramenant à une période qui nous semblait souvent plus facile et paisible. Tout comme une chanson, une série peut nous rappeler une phase de vie précise. Ce qui est très intéressant, c’est de voir comment notre regard a changé avec le temps; comme nous évoluons constamment, les personnages peuvent nous donner une autre impression ou certains événements révèlent de nouvelles nuances.

Dans ce cas, il n’est pas seulement question de souvenirs, mais aussi d’états d’âme. Certaines séries correspondent parfaitement à une saison ou à une phase de vie. Ainsi, en automne, beaucoup de personnes aiment regarder Gilmore Girls. Et avant les fêtes de fin d’année, ce sont les films de Noël qui ont la cote.

Quand les personnages deviennent nos amis

Plus on regarde une série, mieux on connaît ses personnages. Au fil du temps, on peut en arriver à les considérer comme des proches. Dans ce cas, on parle de relations parasociales. Les psychologues Donald Horton et R. Richard Wohl (en anglais) ont évoqué ce phénomène en 1956 déjà, lorsque la télévision en était encore à ses débuts. Les spectateurs ressentaient une certaine proximité avec les personnages, même s’ils ne les connaissaient qu’à travers l’écran. Aujourd’hui encore, nous avons tendance à nous tourner surtout vers les séries mettant en scène des personnages auxquels on s’identifie facilement.

Une petite dose de plaisir

Comme tu peux le voir, il existe différentes raisons qui nous poussent à souvent opter pour les mêmes séries. La plus simple? Car on a plaisir à les regarder. Ce qui nous plaît la première fois nous plaît tout autant la cinquième fois. Le comfort binge et le comfort food ont un point commun: ce n’est rien d’incroyable, mais ça fait du bien au moral.

Au sein de la rédaction aussi, nous avons quasiment tous une série de comfort binge. Il peut s’agir d’un classique, comme Friends, Gossip Girl ou The Office, de séries comme Suits et Dr. House, ou de titres plus sombres, comme Breaking Bad ou Blacklist. Tu as probablement vu un certain nombre d’entre elles il y a longtemps, mais peut-être qu’un de ces titres ne t’est pas encore familier et pourrait devenir ta nouvelle série de comfort binge préférée.

Source image de couverture: Unsplash | Jovan Vasiljević