Suisse-Angleterre: l’amour foot

Si l’Angleterre est le berceau du football, les ligues, les coupes et les championnats ont dû attendre le XIXe siècle, le temps que les instances sportives se mettent d’accord sur des règles uniformes. En Suisse, les immigrés d’outre-Manche ont joué un rôle majeur dans la diffusion de cette discipline. Il faut toutefois relever que la pratique du ballon rond était déjà répandue dans de nombreuses régions du monde; mais que les normes en termes de taille des équipes, de terrains et de buts différaient largement selon les pays.

Une longue histoire

Ce que l’on appelle aujourd’hui football était déjà connu en Chine au VIe siècle; on utilisait un ballon en cuir (qui avait pris le pas sur la version remplie de plumes ou de poils d’animaux). Les scientifiques attestent que des règles existaient et estiment même qu’une ligue professionnelle a pu être mise sur pied.

De leur côté, Mayas et Aztèques s’amusaient avec une balle en caoutchouc, une pratique bien vite copiée par les Européens. À noter que ces derniers se sont probablement aussi inspirés des peuples turciques d’Asie centrale. Sur le Vieux Continent, on joue au football depuis au moins le début de la période moderne non seulement en Angleterre, mais également en France et en Italie où il a conservé son appellation originale de «calcio».

L’apparition des règles modernes et la scission du rugby

En Europe, le «jeu de balle au pied» s’est pendant longtemps cantonné à des traditions locales et à des événements occasionnels. C’est en 1845 en Angleterre que sont posés les fondements du football moderne, avec la première proposition documentée de règles uniformes. Ces dernières incluaient encore de nombreux éléments qui seraient impensables de nos jours. Les joueurs pouvaient ainsi porter le ballon avec leurs mains, mais il leur était interdit de courir avec. Précision importante, football et rugby ne faisaient qu’un à l’époque, la scission en deux sports distincts («rugby football» et «association football») n’intervenant qu’en 1863.

Les Anglais et les premiers clubs en Suisse

La Suisse était une plaque tournante importante en Europe au XIXe siècle; il n’est donc pas étonnant que le football y ait fait très tôt son apparition, et ce même si les règles n’étaient pas établies et que le jeu à la main était encore autorisé. C’est sur l’arc lémanique que les premières équipes se constituèrent (Institut du château de Lancy en 1855 et Lausanne Football and Cricket Club en 1857). La palme du plus ancien club helvétique en activité revient toutefois au FC Saint-Gall, crée en 1879 par des autochtones sous l’impulsion d’étudiants anglais. Les archives montrent même que ceux que l’on surnommerait plus tard les «Brodeurs» avaient déjà commencé à disputer des matchs quelques années auparavant.

Les Suisses, ambassadeurs du football

C’est à cette même époque que les ressortissants allemands, français et italiens établis en Suisse découvrent le football et l’exportent vers leur pays respectif. De fait, l’essor et la montée en popularité du football sur le Vieux Continent ne sont plus seulement le fait des Britanniques, mais aussi des Helvètes. Parmi ces derniers, citons Hans Gamper dont le nom est inscrit en lettres d’or dans l’histoire du football. Celui que l’on surnomme «Joan» émigre en effet en Catalogne en 1898 et fonde, avec quelques compagnons, le FC Barcelone, un club aujourd’hui mondialement connu. Pour l’anecdote, rappelons que ce citoyen de Winterthour a été titulaire chez les «Blaugranas» de 1899 à 1903, marquant 120 buts en 51 matchs.

Les débuts de la Ligue nationale

En 1895, il existe suffisamment de clubs en Suisse pour permettre la création d’une ligue nationale et deux ans plus tard les premiers matchs officiels sont mis sur pied. Le parrainage est immédiatement intégré au concept: éditée à Genève, «La Suisse Sportive» devient sponsor principal de la compétition. À l’issue de la saison inaugurale, en 1897/1898, ce sont les Grasshoppers de Zurich, toujours présents dans l’élite en ce début de XXIe siècle, qui sont couronnés. Cette période héroïque du football suisse est documentée dans la vidéo du jubilé (en allemand) publiée par l’ASF en 1995 à l’occasion de son centenaire.

Un héritage qui perdure

Le fait que les Grasshoppers (Zurich) et les Young Boys (Berne) aient conservé leur dénomination d’origine témoignent des racines britanniques du football suisse. Pour plusieurs clubs, il était d’ailleurs indispensable d’adopter des désignations apparentées à celles de leurs homologues d’outre-Manche. De plus, chez les Bernois, on parlait (et l’on parle aujourd’hui encore) de «shooter» et non pas de «tschutte». Et comme la langue de Shakespeare n’était de loin pas aussi répandue qu’elle l’est à l’heure actuelle, cette référence était sans aucun doute évidente pour les fans de la première heure.

D’autres curiosités linguistiques témoignent de l’influence précoce de l’anglais. Si les Allemands sont attachés au «Torwart» (gardien), les Alémaniques utilisent fréquemment le terme «Goalie»; «Corner» (coup de coin) ou «Penalty» (coup de pied de réparation/tir au but) sont par ailleurs préférés à «Eckball» ou «Elfmeter». À l’orée du XXe siècle, ce sont les «forwards» (au lieu des «Stürmer»/attaquants) qui torturaient les défenses et la pause avait pour nom «half-time» (vs «Pause/Halbzeit» ou mi-temps).

Une popularité universelle

On peut se demander pourquoi le football est beaucoup plus répandu en Suisse, et dans une grande partie de l’Europe, que les autres sports d’équipe. La réponse tient dans son ancienneté. Handball, basketball et volleyball ont été réglementés et uniformisés dans les années 1890. À cette époque, le football était déjà codifié depuis un certain temps et les championnats étaient sur orbite depuis plusieurs saisons. Certes, le hockey sur glace a été normalisé à peu près en même temps que le football, mais il a toujours eu du mal à s’imposer face à ce dernier dans les régions bénéficiant d’un climat plus chaud.

La rivalité avec les clubs de gymnastique

Il faut toutefois noter qu’en Suisse, du fait de la présence de nombreux clubs de gymnastique, les passionné·e·s de sport n’ont pas immédiatement adhéré à ce qu’on appellerait plus tard «The beautiful game». Et de fait, durant une bonne partie du XXe siècle, une rivalité intense a opposé gymnastes et «footeux», rivalité encore tangible au niveau local en 2025. Si tu as des anecdotes à raconter à ce sujet, n’hésite pas à nous laisser un commentaire!

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