
L’intrigue de Noël, partie 2: le cambriolage
La vitre gît en éclats. La maison est saccagée. Et au milieu de ce chaos: le colis.
Des sonneries insistantes le tirèrent de son sommeil.
Nicolas se retourna, sentit qu’il était sur le point de tomber, leva le bras et se rattrapa de justesse à la table du salon. La table du salon? À moitié endormi, il lui fallut un instant pour reprendre ses esprits. Sa vision s’éclaircit peu à peu, dévoilant un lustre cuivré, un fauteuil néoclassique, des draps de lin blancs… et le colis. Ouvert.
Il se redressa. Sa tête bourdonnait.
Il avait dû s’endormir sur le canapé en ressassant cette histoire de colis. Et il réalisait à présent qu’à la fin de sa vingtaine, il n’avait plus vraiment l’âge de s’endormir n’importe où sans en payer le prix. Le canapé n’avait rien de confortable, et le salon n’était pas particulièrement chaud. Il bâilla, passa une main dans ses cheveux encore en bataille… et sursauta lorsque la sonnette retentit de nouveau.
Ding dong!
Le bruit lui transperçait le crâne, ses tempes pulsaient de plus en plus fort, comme fouettées de l’intérieur. Il plissa les yeux, se massa l’arête de son nez entre le pouce et l’index, mais ni la douleur ni la sonnerie obstinée ne cédaient. Ding dong. Ding dong. Ding dong ding dong.
«Oui, j’arrive, bon sang!»
Il se leva et chancela jusqu’à la porte d’entrée. C’est alors qu’on frappa: un coup sec, puissant, de ceux qu’on attribue spontanément à un adulte – ou, se corrigea-t-il en jetant un œil au judas, à une policière aguerrie. Marie Lemaire se tenait devant la porte en chêne, les yeux rivés sur le judas, le front plissé, une impatience sans équivoque inscrite sur les traits. La lentille, pourtant, la faisait paraître étrangement petite et inoffensive.
Elle s’apprêtait à frapper de nouveau lorsque la porte s’ouvrit brusquement sous ses doigts, révélant le visage pâle et épuisé de Nicolas Fuchs. Le froid glacial de l’hiver s’engouffra aussitôt et lui fouetta les joues. Les sourcils froncés, il lui lança un regard agacé. Marie, elle, n’en parut nullement affectée.
«Je commençais à croire qu’il était arrivé quelque chose», dit-elle d’un calme imperturbable.
Il resta un instant sans voix. «Moi aussi!», finit-il par répliquer.
Elle l’examina de la tête aux pieds. Il portait encore la chemise de la veille, désormais froissée, et, en dessous, un large pantalon de pyjama gris à carreaux, étonnamment mal assorti. Ses cheveux noirs se dressaient dans tous les sens. Le regard encore embué de sommeil, il se frotta les yeux avant de reprendre: «Ne vous inquiétez pas, votre principal suspect ne va pas s’enfuir.» Il bâilla. «Pas avec ce froid. Et pas à une heure pareille.»
Elle croisa les bras. «Il est une heure de l’après-midi.»
L’information sembla le réveiller net. Incrédule, il leva les yeux vers elle, cligna des paupières, ébloui par le soleil hivernal rasant. Il porta aussitôt son poignet devant lui pour vérifier l’heure, mais d’obscures taches traversaient son champ de vision… et il se souvenait à présent avoir abandonné sa montre quelque part, la nuit précédente.
«Je peux entrer, maintenant? À moins de rester à grelotter tous les deux sur le pas de la porte.»
Il se résigna.
«Je suis passée chez Eveline, ce matin pour me renseigner.» Marie était appuyée contre le comptoir de la cuisine tandis que Nicolas se versait un verre d’eau du robinet, dans lequel il laissa tomber un comprimé effervescent. Il observa l’eau se troubler peu à peu, écouta le sifflement puis le pétillement du médicament qui se dissolvait. «Eveline Pfister, demanda-t-il. La fleuriste? Vous êtes donc allée vérifier qui avait acheté la jacinthe?» Il se rappelait parfaitement leur échange de la veille – ses soupçons, cette histoire de fleurs.
«Vous… avez du flair.» Marie ne le quittait pas des yeux. Il émanait de lui quelque chose d’étrange, presque incongru au milieu de cette cuisine vieillotte, aménagée avec tant de soin. S’il n’avait pas eu besoin de ces objets et ustensiles, il les aurait sans doute tous recouverts de draps de lin.
«Ce n’était pas de l’intuition, simplement une déduction logique.» À peine eut-il prononcé ces mots que Nicolas sentit combien ils sonnaient secs. Il se massa les tempes, passa une main sur son visage. «Excuse-moi, j’ai la tête prête à éclater.»
«Vous me tutoyez? Tout à l’heure encore, vous me vouvoyiez.»
«Je vous en prie… vous êtes dans ma cuisine, en train de me regarder avaler un antidouleur.»
«Et là, vous me vouvoyez de nouveau.»
Il la fixa, perplexe, le visage crispé par la douleur. «Qu’est-ce que vous voulez, au juste?»
Mais au lieu de répondre, elle se mit à rire. C’était la première fois, depuis la mort de Magnus Brunner, qu’il la voyait rire. Son rire, clair et doux, lui rappela le tintement d’un carillon à vent: le son était différent, certes, mais tout aussi apaisant, capable de balayer d’un coup ses préoccupations. Son agitation intérieure se dissipa. Les pulsations dans ses tempes s’atténuèrent, sans disparaître pour autant. Il esquissa un sourire, s’interrompit en en prenant conscience, puis saisit le verre avec le médicament.
«Oh, tu ne devrais pas boire ça l’estomac vide.» Marie balaya la pièce du regard, ouvrit le réfrigérateur et se retrouva face à un vide presque abyssal.
«Je vois. Votre principal suspect n’a pas le droit de se soustraire à l’interrogatoire sous prétexte de crampes d’estomac.»
«Ton principal suspect», rectifia-t-elle, les yeux toujours rivés sur les compartiments et étagères désespérément vides. «Comment as-tu fait pour survivre jusqu’à aujourd’hui?»
Nicolas vida son verre d’un trait et grimaça. «Je suis un as de la débrouille, souffla-t-il. Mais revenons à Eveline Pfister.» Il s’essuya les lèvres du revers de la main. «As-tu découvert qui avait acheté la jacinthe?»
Marie referma le réfrigérateur et s’adossa à la table. Elle observa Nicolas poser son verre dans l’évier. Ses gestes étaient lents. «Daniela Roth», répondit-elle alors. «La propriétaire de l’auberge – comme tu le sais sûrement, même si tu n’as jamais mis les pieds dans un seul établissement du coin. À part peut-être dans l’épicerie du village. Et encore…» Elle repensa à l’état déplorable du réfrigérateur quelques secondes plus tôt. «Probablement pas, non. Eveline se souvient bien de cet achat, justement parce qu’il l’avait étonnée. Daniela lui avait demandé une fleur pour présenter des excuses. Eveline ignorait que cette fleur était destinée à une tombe. Elle-même pense toutefois que Magnus a simplement trébuché sur le tapis à l’étage et n’accorde pas vraiment d’importance à cet incident.»
Silence. Les yeux de Nicolas se plissèrent. «Intéressant…»
Comme il n’ajoutait rien, Marie poursuivit: «Je voulais en parler avec Daniela, mais elle est partie en ville tôt ce matin. Je crains qu’elle ne revienne qu’en fin d’après-midi.»
Il ne répondit pas. Il était manifeste qu’il s’était perdu dans ses pensées. Marie entendit le tic-tac d’une horloge. Elle se tourna vers le couloir, supposant que le bruit venait d’un des meubles recouverts – sans doute une horloge comtoise. Elle imagina le balancier osciller lentement, le mécanisme qui s’emboîte, une dent de roue qui cède, puis une autre. Tic. Tac. Tic. Tac. Lorsque l’horloge sonna finalement deux heures – comme il sied à une horloge de grand-père – Nicolas rompit enfin le silence.
«Ah oui», lâcha-t-il. Marie attendit, fébrile. «Je l’ai ouverte hier soir. La boîte de Pandore.»
D’abord déconcertée, Marie se redressa brusquement de sa chaise, tendue, incrédule. Ses lèvres s’entrouvrirent comme si elle s’apprêtait à parler, mais elle se contenta de lui adresser un regard chargé de reproches. Si l’expression «Et tu ne me le dis que maintenant?!» devait avoir un visage, ce serait sans doute celui-là. Nicolas s’attendait à une question: un «Que contenait-il?» pressant, ou un reproche du genre «Ça aurait pu être dangereux!». Mais Marie demeura silencieuse. Sans perdre une seconde, elle se précipita vers le salon. Le parquet grinça, répondant aux pas de ses bottes.
Puis vint ce qu’il avait déjà anticipé: un silence chargé, un souffle d’effroi, des pas qui martelaient le sol, de plus en plus proches. Il tira une chaise de la table, s’y assit et posa sa tempe battante contre son poing relâché. Impassible, il regarda Marie revenir vers la cuisine, le colis dans les bras. Elle avançait comme si elle franchissait l’œil du cyclone, l’expression marquée par une irréparable trahison.
«Je te préviens», lança-t-elle en guise d’ouverture. Elle posa la boîte en carton sur la table, d’un geste brusque, puis planta sur lui un regard menaçant. «Si tu l’as simplement vidé…»
«Ce n’est pas le cas, répondit Nicolas, déjà résigné depuis la veille. Et puis ce colis m’appartient, après tout. Regarde: c’est mon nom qui figure comme expéditeur.» Il ne put s’empêcher de sourire.
«À peine mes soupçons à ton égard s’étaient-ils dissipés que tu recommences déjà à te comporter de façon suspecte.»
Il eut un rire fatigué. D’une main, il saisit la boîte en carton, la pencha et en révéla le contenu.
«Vide. Comme mon frigo.»
«Et c’est maintenant que tu choisis de faire de l’humour?»
Son sourire s’effaça en entendant le tremblement dans la voix de Marie. Ses yeux, d’ordinaire si assurés, brillaient d’une façon inquiétante, comme si elle retenait ses larmes de toutes ses forces. Elle inspira profondément. Il se redressa, voulut poser une main sur son épaule, mais la retira aussitôt, sans même effleurer le tissu de son uniforme.
«Tu as raison», admit-il d’une voix basse. «Je suis désolé. Je sais que c’est important pour toi. C’était déplacé.»
En trois pas rapides, il regagna de nouveau la cuisine, prit un verre dans un des placards, un peu trop maladroitement, faisant tinter les autres. L’eau coula doucement lorsqu’il remplit le verre. Après avoir refermé le robinet, il ajouta: «Je n’ai pas pu m’en empêcher. En voyant qu’il n’y avait rien, j’étais… déçu, mais aussi soulagé.»
Nicolas posa le verre sur la table, près d’elle.
«Accorde-moi quelques minutes. Je monte me changer et je te parlerai de mes hypothèses.»
Quand elle releva les yeux, il avait déjà disparu.
«Tu penses donc que Magnus aurait envoyé le colis lui-même?»
Ils s’étaient installés dans le salon. Nicolas s’enfonça dans son fauteuil, les bras croisés sur la poitrine. Il avait détaillé à Marie le tourbillon de pensées qui l’avait tenu éveillé toute la nuit, reprenant avec elle chaque élément: le colis expédié le jour de la mort de Magnus Brunner, très probablement avant l’heure du décès; le fait qu’il lui était indéniablement destiné, à lui, Nicolas Fuchs; et ce cachet postal, cette adresse – celle de l’épouse défunte de Brunner, connue de quelques initiés seulement – qui rattachaient discrètement l’envoi à Brunner, sans que le lien soit trop apparent. En somme, tout indiquait qu’une certaine personne ne devait pas pouvoir remonter la piste trop facilement… pour peu qu’elle ose s’y intéresser.
«C’est la seule explication qui tienne. Le coupable ne peut pas l’avoir envoyé», dit-il lentement, avec prudence. «La seule raison qu’il aurait eue de le faire, ce serait de vouloir me faire accuser. Mais pourquoi? Cela n’aurait aucun sens: il savait certainement que l’affaire serait classée comme un accident. Il n’aurait eu aucun intérêt à faire naître la moindre rumeur de meurtre.» Nicolas renversa la tête, les yeux fixés au plafond, comme s’il espérait y trouver toutes les réponses. «C’est forcément M. Brunner qui l’a envoyé. Il avait pressenti sa mort. Peut-être savait-il quelque chose qu’il n’aurait pas dû savoir. Il a mis des preuves dans le colis et l’a expédié, par précaution. Puis il a affronté son meurtrier. Mais quelque chose ne colle pas…»
«Oui, puisque le colis est vide», fit remarquer Marie. «Mais le coupable n’a-t-il pas pu en retirer le contenu?»
«Dans ce cas, pourquoi seulement le contenu? Pourquoi ne pas avoir fait disparaître le colis tout entier?» Nicolas se pencha en avant et se tordit les mains. «S’il l’avait eu entre les mains, pourquoi ne pas tout éliminer d’un seul geste?»
«Peut-être faisons-nous fausse route.»
«Probablement, acquiesça Nicolas. Nous avons dû oublier quelque chose… ou négliger un détail. Pour être honnête, je crois même… que le colis était peut-être vide depuis le début. Après tout, rien n’indiquait qu’il ait été ouvert. Mais alors, pourquoi envoyer un colis vide? Et dans ce cas, à quoi bon cette mise en garde?» Il se mordit la lèvre inférieure. Le paquet trônait sur la table du salon, juste devant eux. Les mots «Ne m’ouvre pas», qui jusqu’ici avaient suffi à lui glacer le sang, étaient désormais comme une écharde plantée dans son esprit. Il devait bien y avoir une raison. Une raison qui lui échappait encore.
«Une chose est sûre, intervint Marie en le tirant de ses pensées: ce n’était pas un accident, mais un meurtre de sang-froid.»
En y repensant, c’était elle qui, la première, lui avait soufflé cette idée. L’idée que cette mort n’avait rien d’accidentel. Il l’observa, intrigué, avant de se décider: «Dis-moi… ce n’était vraiment qu’une intuition? Au cimetière, tu as parlé d’un pressentiment. Mais c’était plus que ça, n’est-ce pas?»
Elle tarda à répondre. Et il comprit alors qu’elle lui cachait quelque chose depuis le début.
«Deux fines coupures, longues de quelques centimètres, sur sa main droite», répéta-t-il, reprenant les mots que la jeune policière avait laissés flotter dans l’air glacé. «Survenues peu avant ou pendant sa mort. Mais il n’y avait aucun objet auquel il aurait pu se blesser. Les plaies étaient superficielles, et comme la mort paraissait naturelle, elles n’ont pas donné lieu à une enquête.» Marie le lui avait confié à voix basse, avant de se rendre à la poste. Elle voulait savoir si quelqu’un s’était présenté pour retirer un colis adressé à Magnus Brunner. Sans doute en vain.
«Monsieur Fuchs.»
Ironiquement, c’est encore sur le chemin du retour du cimetière qu’on l’interpella. La scène avait un air de déjà-vu: la veille, il avait récupéré à cet endroit même un colis qu’il n’avait jamais envoyé, affublé au passage de Jonas comme d’un ami autoproclamé. Mais cette fois, ce n’était pas le facteur qui se présentait à lui. La voix, grave et assombrie, était celle du maire de la commune, Sebastian Keller, qui s’était arrêté devant lui. Un homme massif, dans la cinquantaine, et qui ne pouvait guère lui être plus hostile. Les gens de son espèce n’appréciaient pas les journalistes.
«Monsieur Keller», le salua-t-il brièvement, inclinant la tête avec une politesse mesurée. «Bonne journée.»
Nicolas s’apprêtait à prendre congé. Il allait passer devant lui lorsque Sebastian Keller posa sa main lourde sur son épaule. De toute évidence, l’échange ne se limiterait ni à une salutation polie ni à quelques banalités. Le maire le fixa intensément, puis resserra sa prise, obligeant Nicolas à se tourner vers lui. «Restez ici.» Son ton était autoritaire, sans appel. «Je n’en ai pas encore fini avec vous, espèce de porte-malheur.»
Nicolas se demanda s’il ne ferait pas mieux d’emprunter une autre route, à l’avenir.
«Faites vite, il fait froid.» Nicolas recula, se dégageant d’un mouvement de la main qui pesait sur son épaule. Sebastian Keller marmonna quelques mots indistincts, clairement agacé. Mais avec son nez rougi par le gel, façon renne frigorifié, on devinait qu’il n’allait pas s’éterniser dans la protestation. «Je vous préviens, Monsieur Fuchs», reprit-il. C’était la deuxième fois de la journée qu’on l’avertissait aussi sèchement. Marie, elle, semblait toujours garder une longueur d’avance – que ce soit pour l’accuser ou pour l’avertir.
«Ne fourrez pas votre nez dans des affaires qui ne vous concernent pas,» poursuivit Sebastian Keller. Il leva l’index et le pointa vers Nicolas d’un geste menaçant. «Vous êtes en train de fourrer la main dans un nid de guêpes, jeune homme. Si vous ne cessez pas immédiatement, les conséquences seront graves, je vous l’assure.» À chaque mot, le maire avançait d’un pas, jusqu’à ce que leur visage ne soit plus qu’à quelques centimètres. La situation devenait gênante.
«Je ne m’immisce pas dans des affaires qui ne me regardent pas», répondit Nicolas en rétablissant un peu de distance avec l’édile. «Cette époque est révolue.»
«Je l’espère sincèrement pour vous.»
Alors qu’il pensait pouvoir prendre congé, Sebastian Keller se lança dans un nouveau sermon. Nicolas n’écoutait qu’à moitié. Son regard glissa sur le long manteau noir de son interlocuteur – fin, mais manifestement de grande facture – avant de se perdre vers la vitrine du fleuriste, où Eveline Pfister composait des bouquets. Il la suivit du regard tandis qu’elle se déplaçait dans le magasin en fauteuil roulant. Parvenue à son poste de travail, elle saisit quelques roses blanches posées sur ses genoux et, de ses mains gantées, commença à les assembler en bouquet. Quelques mèches blond clair s’étaient échappées de sa tresse; d’un revers de la main, elle tenta en vain de les ramener derrière son oreille.
«… Vous m’avez bien compris?» demanda finalement Sebastian Keller, ramenant Nicolas au présent. «Bien sûr, répondit ce dernier, qui n’avait pourtant pas écouté un mot. Je m’en souviendrai… enfin, j’essaierai.» Entre-temps, le nez de M. Keller n’était plus le seul à rougir: la colère avait gagné tout son visage.
«Si jamais j’apprends que vous vous mêlez encore de ce qui ne vous regarde pas, vous vous en souviendrez!»
Sur ces mots, ils se séparèrent.
Il faisait nuit depuis longtemps lorsque Nicolas sortit de l’épicerie du village. Tous les autres commerces avaient déjà baissé le rideau. Après 21 heures, un silence de mort s’abattait sur ce hameau de montagne, et seule l’auberge laissait encore filtrer quelques éclats de voix. Il avait longtemps erré: il était repassé par la tombe pour vérifier un détail, puis avait marché au hasard, espérant remettre un peu d’ordre dans ses pensées. Le magasin avait d’ailleurs failli fermer avant qu’il ne parvienne à y faire ses courses.
En rentrant chez lui – même s’il n’avait jamais réellement considéré cet endroit comme tel –, il sortit un sandwich de son sac, déchira l’emballage et croqua dedans. Son estomac lui en serait reconnaissant.
Son corps semblait raide, engourdi par le froid mordant qui s’était insinué dans ses membres. Il hâta le pas, forçant ses jambes à avancer rapidement malgré la douleur qui tirait sur chaque muscle. Mais à mesure qu’il approchait de son logement, la scène qui se dévoila n’avait rien de l’immobilité déserte à laquelle il était habitué.
Il ne faisait pas sombre.
Ce n’était pas vide.
Ce n’était pas silencieux.
Une foule s’était rassemblée devant son logement: des badauds braquaient leurs smartphones et leurs lampes de poche vers les fenêtres, comme autant de petits projecteurs; deux policiers, l’air lassé, tentaient de contenir la cohue à grands gestes; plusieurs mères, enfin, serraient leurs enfants contre elles, comme si cette étreinte suffisait à les protéger de ce qui s’était produit à l’intérieur. Les voix étouffées se mêlaient au souffle du vent glacé, un murmure nerveux parcourait la foule – une tension suspendue dans l’air comme un pouls invisible.
«Enfonçons la porte!» La voix tremblante de Marie Lemaire avait percé à travers la rumeur. Elle semblait de nouveau au bord des larmes. «Et s’il lui était arrivé quelque chose? Et s’il avait besoin d’aide?» Il reconnut la détresse dans sa voix et un frisson glacé lui traversa l’échine.
Mais… de qui parlaient-ils? Et qu’était-il arrivé? Pas encore un…
Son sac de courses lui échappa des mains – il ne se souvenait même plus l’avoir tenu. Il chancela d’abord de quelques pas. Puis, lorsque la situation commença enfin à se préciser, il se rua vers la foule. Il se fraya un passage entre les manteaux épais, manquant de trébucher. C’était exactement comme lundi dernier. Le lundi où l’on avait retrouvé Magnus Brunner, inanimé. Le lundi où les sirènes stridentes l’avaient arraché à l’aube d’un sommeil sans rêves. Le lundi où il s’était approché, hésitant, de la fenêtre pour observer la scène depuis sa chambre. Des uniformes bleus. La police. Des visages tendus. Une civière. Un drap blanc.
Non… ce n’était pas possible. Pas encore.
«Laissez-moi passer, s’il vous plaît», implora-t-il, à bout de souffle. Son cœur battait jusque dans sa gorge. Il ne pouvait pas supporter l’idée qu’un autre malheur survienne – surtout pas à cause de lui. Pas à cause de ses investigations imprudentes, pas à cause de sa négligence.
Lorsqu’il parvint enfin à sortir de la masse compacte, il trébucha et s’effondra à genoux. Marie, qui parlait encore vivement à ses collègues, se tut net. Elle était livide, comme si elle venait d’apercevoir un fantôme. Un policier se tenait devant l’une des fenêtres, braquant sa lampe à l’intérieur. La vitre était brisée. Ce qu’il en restait – des éclats acérés jaillissant du cadre – scintillait sous la lumière.
«Nicolas!»

Eveline Pfister
Fleuriste douce et bienveillante, toujours prompte à encourager les autres, Eveline Pfister rayonne, à 45 ans, d’une joie de vivre qui force l’admiration. Son tempérament lumineux et sa beauté intemporelle laissent une impression durable. Paralysée et contrainte de se déplacer en fauteuil roulant, elle poursuit avec d’autant plus de détermination les engagements qu’elle mène au sein de sa fondation.
Daniela Roth
Aubergiste solide et assurée, elle tient son établissement avec une autorité tranquille. À 48 ans, beaucoup la considèrent déjà comme l’épine dorsale du village: résolue, pragmatique, et dotée d’une voix capable de ramener au silence les habitués les plus bruyants. Sous cette carapace pourtant se cache un cœur tendre: au moindre appel à l’aide, elle est souvent la première à se porter volontaire.


Sebastian Keller
Le maire est un homme consciencieux, mais volontiers retors. À 55 ans, il semble tantôt plus âgé, tantôt plus jeune, selon l’humeur du jour. S’il lui arrive de déraper dans ses propos, une seule priorité le guide en réalité: le bien-être de sa commune. Sa fiabilité et le dévouement avec lequel il veille sur sa femme malade lui valent, d’ailleurs, bien des indulgences.
Source de l’image de couverture et des images des personnages: Sora AI
Source des séparateurs décoratifs: Adobe Stock | 1574399334
Envie de résoudre ta propre affaire criminelle?
Marketing Manager Editorial Content
Lorsque je ne suis pas occupée à laisser libre cours à ma créativité littéraire, il est fort probable que je sois totalement absorbée par une série Netflix («Un dernier épisode!») ou alors engagée dans des discussions animées sur des sujets très variés. J’aime encore me plonger dans un bon livre ou me lancer dans un nouveau hobby. Ma curiosité intellectuelle est infinie, et j’ai ici la chance de pouvoir la satisfaire pleinement et de la partager.
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