
Spams ou l’histoire d’une pandémie numérique
Que celui ou celle qui n’a jamais été énervé·e en supprimant un spam lève le doigt! Promesses de gains douteuses, prétendus héritages en provenance de pays lointains ou encore publicités outrancières, le spam (également appelé «courrier indésirable») fait partie intégrante de notre quotidien numérique depuis bien longtemps. Mais peu de gens connaissent la genèse de ce fléau et l’origine plutôt insolite de son nom.
De la viande en conserve aux e-mails de masse
Le terme «spam» trouve ses racines dans le domaine de la cuisine: il s’agit d’une contraction de «Spiced Ham», une marque de viande en conserve assaisonnée lancée aux États-Unis en 1937. Pendant la Seconde Guerre mondiale, cette viande a été si souvent utilisée pour nourrir les soldats que «spam» a rapidement été considéré comme synonyme de quelque chose d’excessif ou d’intrusif.
Mais c’est surtout la troupe d’humoristes britanniques Monty Python qui l’a popularisé. Dans un de leurs sketches de 1970, un groupe de Vikings répète le mot «spam» de façon si insistante qu’il étouffe tout le reste – devenant ainsi le symbole des messages indésirables. C’est précisément pour cette raison que le terme s’est ensuite appliqué aux e-mails qui envahissent notre boîte de réception sans que nous ayons demandé quoi que ce soit.
Le tout premier spam du monde
L’histoire du spam numérique a commencé en 1978 avec Gary Thuerk, employé dans le département du marketing de la société informatique américaine DEC. Une idée révolutionnaire pour l’époque lui est venue en tête: au lieu d’écrire individuellement à chaque client potentiel, il a envoyé un seul et même e-mail à 400 destinataires sur ARPANET, le précurseur d’Internet. Dans ce courriel, il faisait la promotion d’un nouveau matériel informatique de son entreprise.
Ce que Thuerk ne soupçonnait cependant pas, c’est qu’il était en train d’écrire une partie de l’histoire d’Internet; ce message étant considéré comme le tout premier spam jamais envoyé. Déjà à l’époque, de nombreux destinataires s’étaient mis en colère, car l’e-mail avait atterri dans leur boîte de réception sans avoir été sollicité. Et les administrateurs d’ARPANET n’étaient pas non plus très enthousiastes. Toutefois, on assistait là à l’avènement du mail de masse et plus rien ne pourrait l’arrêter.
Déferlement de spams sur la Toile
Après ce premier test, il n’a pas fallu longtemps pour que d’autres se mettent à surfer sur la vague. C’est dans les années 1990 que les spams ont commencé à prendre de l’ampleur, notamment avec l’expansion d’Internet. Un incident très controversé s’est produit en 1994, lorsque deux avocats américains, Laurence Canter et Martha Siegel, ont envoyé un mail non sollicité à des milliers de personnes inscrites sur Usenet (un réseau de discussion très populaire à l’époque) pour promouvoir leurs services liés à la loterie de la Green Card. La communauté Internet a réagi avec indignation et s’est défendue avec des messages dits «Cancel», mais l’invasion était inéluctable.
Les spams sur tous les canaux
Avec l’essor du World Wide Web, des services de messagerie et des réseaux sociaux, le flot de spams a pris des proportions de plus en plus importantes. Au début, il s’agissait généralement de simples mails publicitaires inoffensifs, mais les contenus frauduleux ont rapidement fait leur apparition: les tentatives de phishing pour dérober des données sensibles, les prétendus héritages colossaux ou encore les crypto-investissements douteux sont en effet devenus monnaie courante.
Les spams ont également envahi d’autres canaux. Ainsi, dans les années 2000, le phénomène s’est étendu aux SMS. Entre-temps, les blogs, les sections réservées aux commentaires, les services de messagerie et les réseaux sociaux sont aussi devenus les terrains de jeu de prédilection des spammeurs.
Le raz-de-marée des spams: une réalité mondiale
Aujourd’hui, les spams ont pris des proportions gigantesques. Depuis le début des années 2000, ces courriers indésirables représentent souvent plus de la moitié du trafic mondial de courriels. En 2010, environ 107 000 milliards d’e-mails ont été envoyés dans le monde, et les spams en représentaient la majeure partie. Malgré des filtres et des mécanismes de protection de plus en plus performants, le flot persiste en raison du modèle économique lucratif: bien qu’une infime partie des destinataires réponde aux spams, les expéditeurs réalisent des bénéfices.
Le rêve avorté de Bill Gates
Même les grands esprits du secteur technologique ont longtemps cru que ce fléau serait bientôt éradiqué. Ainsi, en 2004, Bill Gates annonçait avec optimisme: «Dans deux ans, nous n’entendrons plus parler des spams.» Mais ce rêve n’est toujours pas devenu réalité. Les spammeurs se montrent de plus en plus ingénieux et leurs contenus de plus en plus professionnels, tandis que leur activité demeure rentable.
Un monde sans spams: pourquoi est-ce improbable?
Même avec des filtres antispam, le blocage des expéditeurs et des enquêtes policières, les courriers indésirables ne disparaîtront probablement jamais complètement. Le monde numérique reste un terrain de jeu idéal pour atteindre un large public sans trop d’efforts, que la motivation soit commerciale ou criminelle.
Qui sait, peut-être que la prophétie de Bill Gates se réalisera un jour... En attendant, nous devons rester vigilants, désencombrer régulièrement nos boîtes de réception et toujours nous méfier des mails au contenu un peu trop alléchant.
Marketing Manager Editorial Content
Passionnée d’activités créatives, de voyages et de photographie, toujours motivée à élargir mes connaissances, je suis avide de découvertes. C’est quand je peux donner libre cours à ma créativité que je me sens le mieux. Lorsque je ne suis pas en train d’explorer le monde, d’immortaliser des moments particuliers ou de nourrir ma curiosité, j’adore profiter de la nature, me détendre dans des cafés chaleureux ou laisser mon côté artistique s’exprimer en peignant ma prochaine œuvre à l’acrylique.
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