
Les performances inoubliables de l’Eurovision
Au fond, qu’est-ce que le Concours Eurovision de la chanson? Un simple divertissement musical ou une véritable scène où se jouent les grandes questions de société? Quelle que soit ton opinion, une chose est sûre: l’Eurovision a su conjuguer spectacle et engagement avec brio.
Si tu fais partie des fidèles de l’Eurovision, tu connais probablement la plupart, voire tous les grands classiques qui ont marqué ses près de soixante-dix ans d’histoire. Mais il existe aussi de véritables pépites parmi les titres qui n’ont reçu que peu, voire pas du tout, de points. Peut-être en découvriras-tu une dans notre article de blog! Et si, au contraire, des noms comme Dana International ou Lordi ne t’évoquent qu’un vague souvenir, c’est l’occasion idéale de te plonger dans l’univers unique de ce concours pas comme les autres.
Pas de favoritisme national! Une règle bien établie règne depuis des décennies à l’Eurovision: on ne vote pas pour son propre pays. Ainsi, à l’instar de notre article «Petite histoire des performances ratées à l’Eurovision», nous gardons donc une neutralité bienveillante envers les candidats suisses. Cela dit, difficile de résister à l’envie de quelques traits d’humour ou de clins d’œil piquants. Pour cela, direction notre article dédié: «La Suisse et l’Eurovision: une histoire en demi-teinte».
1958: Domenico Modugno, Italie
Domenico Modugno doit se produire deux fois à l’Eurovision, à Hilversum, aux Pays-Bas: la première retransmission rencontre en effet des problèmes techniques. Sans se laisser déstabiliser, l’Italien livre une seconde performance pleine de passion, irréprochable vocalement et accompagnée d’une gestuelle expressive. Il devra finalement se contenter de la troisième place, mais réalise quelque chose de bien plus marquant: tandis que la chanson gagnante de l’époque (André Claveau avec «Dors, mon amour») – comme tant d’autres titres victorieux – tombe peu à peu dans l’oubli, ne demeurant connue que des initié·e·s, «Nel blu, dipinto di blu» de Domenico Modugno devient un immense succès, jusqu’à atteindre le sommet des classements américains. Aujourd’hui, 67 ans après son passage à l’Eurovision, cette chanson reste l’un des premiers titres qui viennent à l’esprit lorsqu’on évoque les «canzoni». On la connaît d’ailleurs surtout sous le nom de «Volare». Ça te dit quelque chose? Eh bien voilà…!
1965: France Gall, Luxembourg
L’année 1965 illustre bien le schéma qui a marqué les premières décennies de l’Eurovision: la plupart des pays envoient une chanson aussi plaisante que possible, suivant des sentiers musicaux bien balisés. Mais il arrive que ce soit l’audace et l’innovation qui prennent le dessus. Lors de l’édition 1965 à Naples, la toute jeune France Gall représente le Luxembourg – la France, son pays natal, ayant choisi de rester en retrait. Sa chanson, «Poupée de cire, poupée de son», signée Serge Gainsbourg, incarne aujourd’hui à elle seule l’esthétique des sixties. Face aux mélodies convenues de ses concurrent·e·s, son titre se distingue par sa charge émotionnelle et son énergie vibrante. Elle est la seule à être vraiment en phase avec son époque, et s’impose tout naturellement.
1974: ABBA, Suède
Dès les premières notes, une évidence s’impose: les Suédois·es d’ABBA maîtrisent parfaitement les codes du show-business. Leur talent ne se limite pas à leur voix: leurs costumes et leur glamour témoignent de leur sens du spectacle. Et la guitare pailletée en forme d’étoile de Björn Ulvaeus? Franchement stylée! Mais au-delà du style, «Waterloo» reste une chanson pop magistrale. ABBA connaissait la recette pour remporter l’Eurovision et tout autre résultat les aurait sans doute laissés amers. Leur victoire s’inscrivait certainement dans une stratégie de carrière parfaitement rodée: aucun autre artiste n’a su, comme eux, transformer cette compétition en tremplin vers une renommée planétaire. Avec six millions de singles écoulés, «Waterloo» a marqué les débuts d’une légende. Le reste appartient à l’histoire.
1983: Remedios Amaya, Espagne
Je l’avoue, c’est un avis un peu personnel. Mais je soutiens que la prestation de Remedios Amaya à l’Eurovision est de celles qu’on n’oublie pas. Est-ce la meilleure performance jamais sanctionnée par un zéro pointé?
Avant même de pouvoir participer à l’Eurovision 1983 à Munich, la chanteuse de flamenco doit franchir plusieurs obstacles. La robe noire qu’elle souhaite porter – conçue spécialement pour l’occasion par le styliste Tony Benítez – déplaît aux organisateurs, qui la trouvent trop sombre pour un décor de scène déjà très foncé. Amaya opte alors pour une robe blanche mais les organisateurs froncent cette fois les sourcils devant un contraste jugé trop marqué. Elle finit par se rabattre sur une robe bleu et blanc… sans chaussures assorties. Faute de mieux, elle choisit de monter sur scène pieds nus.
Mais ce n’est pas cela qui rend sa prestation mémorable: «¿Quién maneja mi barca?» est aujourd’hui considéré comme un moment phare des archives de l’Eurovision – un rare exemple de chanson qui, des décennies plus tard, n’a rien perdu de sa force. Malgré son score nul, c’est, pour moi, l’un des meilleurs morceaux jamais entendus dans le contexte du concours. Le monde, sans doute, n’était pas encore prêt pour Remedios Amaya.
1998: Dana International, Israël
L’histoire de l’Eurovision comme tremplin pour les personnes queer commence véritablement avec la performance et la victoire de Dana International en 1998 à Birmingham. Qu’une femme, qui avait été assignée homme à la naissance, chante avec une voix d’une féminité saisissante était une première dans le concours, et cela avait un impact social majeur. La chanson – un morceau dance avec un break dramatique en seconde partie – et la performance en elle-même ont sans conteste séduit le public. Mais à l’époque, c’est surtout l’identité de genre de l’interprète qui a occupé le devant de la scène. Sa victoire peut être perçue comme un signal fort envoyé par la communauté Eurovision en faveur d’une société plus inclusive. Inutile de se demander dans quelle mesure ce facteur a joué un rôle dans la décision.
2006: Lordi, Finlande
Bon, les enfants peuvent encore veiller un peu: à la télé, il n’y a que le Concours Eurovision de la chanson, rien de bien méchant. Mais voici le numéro 17, la prestation de la Finlande: une horde de monstres envahit la scène, les cauchemars semblent inévitables cette nuit. Et pourtant, le groupe Lordi n’a fait qu’adapter à l’ère du nouveau millénaire le concept du groupe de hard rock Kiss. Le choc visuel vise avant tout à ce qu’on tende l’oreille et qu’on se dise: «Tiens, mais c’est du vrai bon hard rock!» Car oui, derrière les masques se cachent de vrais musiciens, et leur titre «Hard Rock Hallelujah» a de quoi convaincre. Certes, sur le plan stylistique, on reste dans le recyclage assumé de sonorités vintage, mais cela n’a pas empêché la Finlande de remporter la victoire.
2010: Lena, Allemagne
L’authenticité est plus que jamais à l’ordre du jour. Le public ne veut plus de prestations trop lisses ou trop formatées. L’Eurovision en a déjà offert bien assez au fil des années. C’est donc une opportunité rêvée, celle dont des millions de personnes rêvent, qui s’offre à Lena Meyer-Landrut. Fin 2009, à tout juste 18 ans, elle s’inscrit aux présélections allemandes pour l’Eurovision et devient peu à peu la grande favorite. En quelques mois, elle passe du statut d’élève ordinaire à celui de star. Finalement, sous le simple prénom de Lena, elle remporte la sélection et décroche le droit de représenter l’Allemagne à Oslo. Ce qui frappe avant tout, c’est son calme au milieu de l’effervescence. Elle n’a pas une voix puissante? Peu importe, cela ne la déstabilise pas. Elle trace sa route, reste pleine de charme et surtout, d’authenticité. Avec sa victoire à Oslo, elle signe un triomphe éclatant et couronne une ascension fulgurante.
2014: Conchita Wurst, Autriche
En 2014, Conchita Wurst et le public de l’Eurovision prennent fait et cause pour la différence. Depuis Dana International, on sait qu’une personne transgenre peut remporter le concours, mais la prestation de cette dernière ne révélait ni son apparence ni sa voix comme marqueurs identitaires. Conchita Wurst, elle, entend marquer une rupture en 2014. L’Autrichien Tom Neuwirth, à travers son personnage, cherche à encourager chacun·e à assumer sa singularité, à vivre dans l’ouverture et le non-conformisme. Grâce à sa victoire à l’Eurovision, il parvient à faire entendre son message à un immense public: rarement un·e lauréat·e a suscité autant d’attention médiatique. Même ceux que l’Eurovision laisse indifférents connaissent Conchita Wurst. Et pourtant, rien n’était joué d’avance: en Autriche, avant sa prestation, beaucoup doutaient des chances de leur pays.
2022: Rosa Linn, Arménie
Rosa Linn a apporté son propre décor à l’Eurovision à Turin. Elle commence sa prestation cachée derrière un mur, invisible au regard du public, seule la caméra capte ses premiers instants, dans une mise en scène qui évoque l’isolement de la pandémie. Lorsqu’elle apparaît enfin, entièrement vêtue de blanc, la salle explose en applaudissements. Les jurys, les téléspectatrices et les téléspectateurs, en revanche, se montrent moins enthousiastes: Rosa Linn et sa chanson «Snap» ne décrochent que la 20ᵉ place sur 25. Mais ce classement compte peu aujourd’hui. Grâce à TikTok, le morceau est devenu un phénomène viral, s’imposant comme l’un des titres les plus téléchargés de l’histoire de l’Eurovision.
Les moments moins glorieux laissent, eux aussi, leur empreinte
Tout n’est pas toujours aussi flamboyant et spectaculaire que les prestations évoquées dans cet article sur l’Eurovision. Les mauvaises langues diront même que, pour certains, c’est surtout le côté «trash» du concours qui fait tout son charme. Si tu partages cette vision, ou si les prestations un peu bancales ont au moins le mérite de te faire sourire, ne manque pas notre rétrospective: «Petite histoire des performances ratées à l’Eurovision».
Source image de couverture: Adobe Stock n° 765199397
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