Le pouvoir libérateur des gros mots

Attention: cet article contient des gros mots. Après tout, appelons un chat un chat! 😉

Te cogner le coude contre le bord de la table, renverser ton café sur ton clavier ou voir ton train filer sous ton nez – dans ce genre de situations bien agaçantes, un seul mot (au minimum...) te vient à l’esprit: putain! Eh oui, pour évacuer toute la frustration, rien de tel qu’un bon gros mot, résonnant comme un cri du cœur. Jurer est un exutoire pour exprimer la colère, la frustration ou encore la douleur. Pour que ce soit efficace, il faut que ton juron choque! Plus ton émotion est forte, moins tu seras délicat·e dans le choix de tes mots. À noter que ce qui est considéré ou non comme un gros mot varie fortement selon le contexte culturel.

L’art de jurer

Les jurons trouvent généralement leur origine dans les sujets tabous. Fait passionnant: alors que nous, les francophones, sommes friands de termes scatologiques, dans d’autres langues, les jurons sont souvent d’origine sexuelle ou religieuse. Beaucoup de nos gros mots préférés dérivent toutefois de la sexualité; citons «bordel» ou «va te faire foutre» à titre d’exemples. Mais de là à dire qu’ils éclipseront bientôt notre bon vieux «merde»? Difficilement imaginable, car «merde» (et ses dérivés) est un véritable tout-terrain: il peut être employé seul («merde!»), comme adjectif («ce film est merdique»), comme verbe («j’ai merdé à mon examen») et même comme nom («c’est de la merde!»).

Allez, assez de grossièretés pour le moment, revenons à nos moutons. Après tout, nous voulons savoir pourquoi jurer nous fait tant de bien, n’est-ce pas?

Pourquoi jurons-nous?

Beaucoup d’automobilistes ressentent un vrai soulagement lorsque, dans une situation stressante sur la route, ils laissent échapper une tirade de jurons. Car oui, les gros mots sont libérateurs! Ils permettent d’exprimer et de mieux gérer les émotions, et traduisent sans ambiguïté notre état d’esprit du moment.

Clairement, un bon vieux «merde» procure des émotions bien différentes qu’un quelconque «maison». Cela est probablement dû au fait que les jurons sont traités différemment dans notre cerveau. Ainsi, les personnes avec des difficultés d’élocution suite à une lésion cérébrale conservent souvent leur capacité à dire des gros mots.

Rien d’étonnant donc à ce que la science étudie elle aussi ce phénomène quotidien – et elle confirme une chose: jurer fait vraiment du bien!

Et la douleur s’envole...

Est-ce qu’il t’est déjà arrivé de te cogner le petit orteil si violemment que tu n’as pas pu t’empêcher de laisser s’échapper ton plus beau vocabulaire (que nous tairons tout de même ici)? Dans ce cas, tu as donné raison de manière tout à fait intuitive aux nombreuses études publiées sur le sujet: tu as soulagé ta douleur en proférant des injures.

Certaines expériences exigeaient des participants qu’ils maintiennent leur main dans l’eau glacée le plus longtemps possible. Il s’est avéré que ceux qui s’en sont donné à cœur joie avec les jurons ont effectivement mieux tenu que ceux qui ont utilisé des expressions plus neutres. Petit bémol tout de même: si tu as l’habitude de dire des gros mots au quotidien, tu en ressentiras moins les effets. Garde donc tes propos injurieux pour les moments où tu en as vraiment besoin.

L’effet thérapeutique des jurons

Le cerveau traitant la souffrance psychique de la même façon que la douleur physique, les grossièretés peuvent aider à soulager les blessures émotionnelles mais aussi corporelles.

Dans le cadre d’une étude, certaines personnes ont décrit une situation d’exclusion. Celles qui ont répété un juron pendant deux minutes se sont senties nettement mieux que celles qui ne l’ont pas fait. Une autre étude a démontré que jurer pouvait également faire des merveilles dans des conditions de circulation difficiles. En effet, cela réfrène la colère des automobilistes et les aide à retrouver leur calme plus rapidement.

Le pouvoir des gros mots

En plus de libérer l’esprit, les jurons ont le pouvoir de rendre plus fort. Une série d’expériences a en effet montré que jurer de façon répétée améliore les performances physiques. Ainsi, les participant·e·s étaient capables d’exercer une pression plus forte, de soulever davantage de poids ou encore de pédaler plus vigoureusement.

Alors la prochaine fois que tu galèreras pour gravir un sommet à vélo, lâche-toi et jure un bon coup! Ça t’aidera peut-être.

Jurer, ça rapproche...

Bien que les jurons soient souvent associés à la colère et à la frustration, ils peuvent tout aussi bien exprimer la joie, l’enthousiasme ou la reconnaissance. Selon certaines études, le fait de jurer revêt une importante fonction sociale. En effet, cela permet de renforcer le sentiment d’appartenance, que ce soit à un groupe de travail, à une équipe sportive ou à un cercle d’amis.

Les gros mots étant mal perçus dans de nombreuses situations professionnelles et sociales, celles et ceux qui les utilisent quand même passent pour des personnes spontanées, authentiques et même plus honnêtes. Employés à juste dose, les jurons peuvent créer une certaine proximité et instaurer la confiance – à condition que le contexte s’y prête. Le tout est de bien savoir à qui l’on s’adresse!

Autre pratique très répandue entre amis ou frères et sœurs: les insultes affectueuses. Dans ce cadre, si tu laisses échapper en rigolant un «connard», «abruti» ou «blaireau», personne ne t’en voudra – bien au contraire! Pour certaines personnes, il s’agit même d’une façon d’exprimer leur affection, en particulier si elles éprouvent des difficultés à manifester ouvertement leurs sentiments.

Conclusion

Un juron bien placé rend certaines situations plus supportables: il réconforte quand tu renverses du café sur ton pantalon, il motive quand la colline qui se dresse sur ton chemin te semble infranchissable, et il crée des liens quand ton frère te traite affectueusement de «pauvre crétin».

Fini les filtres: la prochaine fois que la vie mettra une table basse sur ton chemin et que tu t’y cogneras le petit orteil, exprime-toi et laisse sortir ce qui doit sortir.

Source image de couverture: Unsplash | Etienne Girardet